Contact
Email: contact@holistik-formations.com

Phone: 06 73 69 12 23
Back

Ces liens invisibles entre les thérapeutes et leurs clients

Comment une personne, désireuse de suivre une thérapie, navigue sur internet ou se plante devant des cartes de visite et choisit d’appeler très exactement le thérapeute qui peut d’autant mieux l’aider qu’il lui ressemble… quelque part ?

1. Une relation en miroir

Ma première cliente s’appelait Patricia et dès le départ, quelque chose entre nous semblait entrer en résonance. Un lien particulier dépassant la simple empathie. Dès les premières séances, elle s’assied et me raconte très précisément ce qui se passe dans ma vie. Les situations dans lesquelles elle se trouve sont identiques aux miennes. Les sentiments qui l’agitent, je les connais, tout comme ses mécanismes de défense. Cela agit sur moi comme un miroir grossissant et m’oblige à observer de plus près mes propres fonctionnements. Travailler avec l’autre revient à travailler sur moi. Tiens donc. 

Cette relation avec mes premiers clients sera le point de départ de ce travail basé sur un questionnaire auquel a répondu une trentaine de thérapeutes.

Les témoignages recueillis illustrent trois degrés de résonance :

  • Une ressemblance totale : les clients ont exactement les mêmes blessures et structures psychiques que le thérapeute. Tel thérapeute est dépressif, son premier client aussi, une autre est borderline, sa première cliente également. Pierre, par exemple, est dans ce cas ; « Mon premier client était musicien comme moi. On lui disait combien il pourrait mieux utiliser son potentiel, un truc que je connais par cœur. Les mots qu’il utilisait avaient très exactement été les miens peu de temps auparavant. J’étais super compatissant parce que je connaissais ça très bien. Je savais comment faire, quoi lui dire. »

  • Une ressemblance partielle : des similitudes plus subtiles apparaissant au fil des séances. Dans ce cas, l’histoire n’est pas la même, mais il y a quelque chose de commun dans la structure, dans le caractère qui apparaît au fil du temps. Rosetta ne s’est pas rendu compte immédiatement des résonances avec sa première cliente. « Normal, je ne connaissais pas ma structure. Cette cliente est venue dès le début de la formation. En fait, j’ai pris conscience de ma structure en même temps que le travail thérapeutique de ma cliente s’effectuait. Elle avait une structure borderline et je crois que cela m’aurait fait peur de le savoir immédiatement. »

  • Une absence de ressemblance apparente, mais une connexion sous-jacente révélée avec le temps. Sandra, par exemple, ne voit pas le lien immédiatement avec Franck qui est alors son seul client. Et puis en y réfléchissant, elle saisit un fil : « C’est vrai qu’il ressemble à mon père. Pas physiquement, mais dans sa façon de fuir, dans son immaturité. Et moi, je le protège comme je le faisais avec mon père ». Elle comprend alors pourquoi elle n’a pu jusqu’ici avoir d’autres clients. Il est difficile d’avoir plusieurs pères…

2. Un phénomène qui évolue

La dynamique entre le thérapeute et son client ne reste pas figée. Certains praticiens notent que leurs patients changent à mesure qu’ils avancent eux-mêmes sur leur propre chemin. Plus étonnant encore, certains témoignent que lorsqu’ils résolvent une problématique personnelle, leurs patients semblent en bénéficier simultanément. Cela suggère une influence mutuelle, difficile à expliquer rationnellement.

Jessica a constaté ce processus. « Soit c’est une étape que nous venons de passer et l’arrivée du client vient valider que nous sommes sur la bonne voie ou que nous avons déjà traversé ce processus. Ou alors c’est une question du moment qui nous préoccupe et l’univers nous envoie un cas concret comme pour nous tester »

Ces résonances peuvent expliquer les difficultés à devenir thérapeute si l’on n’a pas réglé ou suffisamment avancé sur nos propres problématiques. « Dans les faits, les doutes de mes premiers clients sur ce que va leur apporter la thérapie, (et leur arrêt, du coup) venait résonner avec mes propres doutes sur ma capacité à pouvoir leur apporter quelque chose », observe, par exemple, Barbara.

Ici, nous ne parlons que des premiers clients. Ensuite, il semble que le thérapeute, à mesure qu’il avance, élargisse sa palette et soit en capacité d’accueillir un plus grand nombre de cas. Dès lors, les résonances s’estompent. En même temps, de nombreux témoignages montrent que l’information continue à circuler. Combien de thérapeutes, parce qu’un jour ils ne sont pas disponibles, voient leurs clients les uns après les autres annuler leur séance ?

3. Clients et thérapeutes liés par la pensée ?

Tenter d’expliquer ce phénomène est une gageure. Les récents progrès en neurosciences alliés aux techniques d’imagerie médicale apportent la preuve du lien entre corps et esprit. On ne compte plus les études sur les bienfaits de la méditation transcendantale ou de l’hypnose. Mais s’il est de plus en plus facile d’accepter dans nos sociétés que nos pensées puissent agir sur notre état physique et mental, de là à imaginer que ces mêmes pensées puissent agir à distance vous fait encore passer pour un doux dingue. 

Sans parler de la loi d’attraction ou de la pensée créatrice, dévoyées parfois, on peut simplement évoquer des pistes comme celles du biologiste Rupert Sheldrake. Il propose une théorie des champs morphiques, affirmant que les individus partagent des réseaux d’information invisibles, transmettant connaissances et expériences à distance. Pour lui, la pensée n’est pas localisée dans le cerveau. « Nous sommes bien plus reliés les uns aux autres que nous ne le supposons ».

Carl Jung, avec sa théorie de la synchronicité, parle de connexions significatives entre événements sans lien de causalité apparente. Ce concept pourrait expliquer pourquoi certains clients « tombent » sur le thérapeute idéal au bon moment. Pour lui, ces synchronicités ont un rôle de guidage dans le processus de changement, ce qui nous ramène clairement au sujet des premiers clients…

Carl Jung travailla longuement sur le sujet des synchronicités avec le physicien Wolgang Pauli, père de la physique quantique et prix Nobel de physique en 1945. 

La physique quantique, justement, offre un angle fascinant avec le concept de non-localité : des particules intriquées réagissent instantanément l’une à l’autre, même à distance. Elles font de la « télépathie ». Si l’on applique cette idée à la conscience humaine, on pourrait envisager que les thérapeutes et leurs clients soient interconnectés d’une manière encore inconnue.

4. Accepter le mystère de la relation thérapeutique

L’exploration des différentes pistes d’explication pourrait nous conduire très loin*. Mais après tout, est-ce vraiment nécessaire de comprendre ? 

Avoir simplement en tête l’existence de ces résonances peut amener les thérapeutes à se poser les bonnes questions. Si telle personne m’agace, cette part-là ne se trouve-t-elle pas chez moi ? Qu’est-ce ce client dit de mon histoire, de mon caractère, de mon processus ? Pourquoi est-il là ?

Cela peut amener de la sérénité : si ce client est là face à moi, c’est que j’ai forcément la capacité de l’aider. Cela peut enrichir le travail thérapeutique en encourageant les praticiens à un retour sur eux-mêmes constant, tout en mettant à jour et dépassant les projections et contre-transferts.

Alors, acceptons que certaines dynamiques restent inexplicables. Ce mystère, loin d’être un obstacle, est de plus un atout dans la relation d’aide.

* Cet article est issu d’un mémoire de fin de formation de l’École de Psychologie Biodynamique disponible sur simple demande

Richard Benguigui
Richard Benguigui